Entretien avec Paul Ardenne
Quand la joie a-t-elle, pour la première fois, donné lieu à représentation une artistique? Impossible de le dire. Nous avons tout de même posé la question à Paul Ardenne, historien de l'art. Ce dernier a rédigé un essai sur le sujet dans la publication accompagnant l'exposition Manif d'art 8 - La biennale de Québec.
Joyeusestés artistiques: l'euphorie bienheureuse et ses représentations
Extraits de l'essai de Paul Ardenne pour la publication Manif d'art 8 - La biennale de Québec. L'art de la joie
«L’un des rares indices de la représentation artistique de la joie, au paléolithique, est fourni par le petit fragment d’os gravé dit de La poursuite amoureuse (Isturitz, Pyrénées occidentales, quatorze mille ans avant notre ère)»
«Jouir de la vie, s’y sentir bien jusqu’à l’insouciance n’est pas de nature à faire naître les dieux et à créer puis soutenir leur nécessité. Ceux et celles d’entre les humains qui vivent dans le plein bonheur n’ont nul besoin de dieux, et moins encore de clergés jouant le rôle de chaperons et de directeurs de conscience.»
«Les peuples heureux n’ont pas d’histoire, dit-on avec raison : leur bonheur les prémunit des tourments de la vie compliquée génératrice de tensions et, par conséquent, de ces événements d’exception qui font l’Histoire. Les humains en joie, pareillement, n’auront pas à tout prix besoin d’images d’eux-mêmes dans cet état. À quoi bon ces images, au demeurant ? La propension à faire art, le désir de créer naissent pour une large part du sentiment que notre condition humaine est mal comprise, inquiétante, absurde – «nous avons l’art pour ne pas mourir de la vérité», dit Nietzsche, non sans raison.»
«Montrer trop de joie, ce pourrait être s’attirer les foudres du mal, se voir infliger cette punition par le fatum que la vieille pensée aime associer au concept de plaisir. Cela équivaudrait à s’exposer à l’inadmissible – l’inadmissible ? La joie proprement dite, cet instant tout à la fois de forte présence et de fort arrachement, le moment même du corps qui n’a plus besoin de personne et qui de toute crainte supérieure ou immédiate semble s’être avantageusement dispensé.»
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