Passion hivernale | Krieghoff
La collection d’œuvres d’art de l’homme d’affaires et philanthrope Pierre Lassonde, présentée dans l'exposition Passion privée, est le fruit de l’exercice de l’œil averti du collectionneur, qui avance patiemment, ne voulant acquérir que ce qu’il y a de mieux. S’en dégage également un amour pour le paysage, et plus particulièrement pour les scènes d’hiver, cette saison qui définit véritablement le Québec.
Nous souhaitions aborder ce sujet du paysage hivernal dans une série de billets de blogue décrivant près d'une vingtaine d'œuvres présentées en salle d’exposition.
Pour cet article, Mario Béland, conservateur de l'art ancien au MNBAQ de 1984 à 2014, décrit Camp de chasse, en hiver de Cornelius Krieghoff.
Cornelius Kreighoff, Camp de chasse, en hiver, 1858. Huile sur toile, 48,5 x 65,5 cm. Collection Pierre Lassonde. |
Demeurant à Québec entre 1853 et 1863, Cornelius Krieghoff y connaîtra la décennie la plus fructueuse et flamboyante de sa carrière, réalisant dans sa ville bien-aimée les tableaux qui feront sa renommée et sa prospérité. C’est lors de son séjour dans la capitale que Krieghoff devient le peintre par excellence de l’hiver canadien de même que des scènes de chasse et de pêche. En effet, l’artiste a privilégié, de façon récurrente, la chasse spectaculaire au gros gibier (orignal, caribou, chevreuil), d’abord chez les Amérindiens, puis chez les bourgeois et les soldats britanniques. Dans le second cas, il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une activité de survivance, mais bien d’un loisir sportif. Lui-même un excellent chasseur, Krieghoff accompagnera souvent ses amis sportsmen – marchands, militaires ou politiciens – vers les lacs et les rivières au nord de Québec ou vers le Saint-Maurice. C’est dans ce contexte que le peintre signe ce camp de chasse hivernal bien singulier, voire atypique par sa mise en scène et son cadrage.
Dans une forêt de conifères, au crépuscule, un groupe d’hommes vient d’installer un camp temporaire. Au premier plan, à gauche, une fosse, creusée à la raquette, n’a pas encore reçu son toit rudimentaire composé de branchages, de perches ou de toiles. Cet abri de fortune protège du vent et du froid tout en empêchant le feu de s’enfoncer dans la neige. Trois chasseurs se trouvent dans cette cache : le premier, vu de dos, portant un manteau à capuchon ; le deuxième, dont l’ombre est projetée sur la paroi du trou, assis sur un bagage ou sur une fourrure, avec une tasse et fumant la pipe ; le dernier, près du rebord, tenant un fusil à proximité d’un panier d’osier. À droite, on aperçoit deux autres chasseurs accompagnés de chiens et vêtus de manteaux de la Compagnie de la baie d’Hudson : l’un enlève ses raquettes; l’autre, un guide et porteur amérindien chaussé de mocassins, se décharge d’un lourd sac. Au deuxième plan, un cerf de Virginie (ou chevreuil) est suspendu à une épinette, tête en bas, en vue de la saignée. Tout à côté, de gros quartiers de viande sont étendus à sécher sur des gaules, avant d’être débités en lanières ou en petits morceaux pour être fumés. Au fond, trois autres raquetteurs, armés de fusils, viennent probablement rejoindre le groupe à l’avant-plan. L’ensemble – en particulier les figures, les vêtements et les accessoires – est rendu avec le soin caractéristique de l’artiste.
De toute évidence, nous sommes ici devant un tableau souvenir, au sens narratif et au caractère didactique, fondé sur une expérience authentique. Rapportée en Grande-Bretagne par son commanditaire, vraisemblablement présent dans l’image, cette scène de genre à saveur exotique s’avère ainsi un témoignage visuel éloquent sur la chasse hivernale au gros gibier au Canada.
2 Commentaires
Peintre ayant décrit avec précision notre beau pays avec notre belle province et les gens de l'époque ,J'ai toujours aimé ce peintre .Merci
Renée Pronovost MartinPeintre ayant décrit avec précision notre beau pays avec notre belle province et les gens de l'époque ,J'ai toujours aimé ce peintre .Merci
Renée Pronovost Martin