Françoise Sullivan. Un anniversaire majeur à souligner
Notre chère Françoise Sullivan, illustre artiste québécoise que nous admirons tous ici au MNBAQ, célèbre cette année son centième anniversaire. Née le 10 juin 1923 à Montréal où elle vit et peint encore presque tous les jours, elle a marqué le paysage artistique du Québec depuis plus de soixante-dix ans.
Tant en peinture, sculpture, installation, photographie qu’en performance, son œuvre a fait l’objet d’expositions majeures, particulièrement au Musée d’art contemporain de Montréal (1981, 2018), au Musée du Québec (1993), au Musée des beaux-arts de Montréal (2003, 2023) et à la Galerie de l’UQAM (1998, 2017, 2021) qui vient par ailleurs de mettre en ligne une exposition virtuelle portant sur la production conceptuelle de l’artiste.
L’œuvre de Sullivan a aussi pris part à plusieurs des expositions qui marquent l’histoire de l’art québécois et canadien des soixante-dix dernières années. Des photographies de sa performance Danse dans la neige (1948), documentée par Maurice Perron – ont en outre été présentées dans l’exposition Surrealism Beyond Borders, co-organisée par le MET à New York (2021) et la Tate Modern à Londres (2022).
L’excellence de sa démarche a été souligné par l’obtention du Prix du Québec en 1987, la remise d’un doctorats honoris causa de l’Université du Québec à Montréal et de l’Université York, à Toronto, l’attribution de l’Ordre du Canada en 2001 et de l’Ordre du Québec en 2002, puis la réception du prix de la Fondation Gershon Iskowitz en 2008. Elle aura aussi inspiré de nombreux artistes de générations lui succédant, en outre par son enseignement, à compter de 1977, au département d’arts plastiques de l’Université Concordia pendant une trentaine d’années.
Figure majeure des arts visuels et de la danse au Canada, Françoise Sullivan a été formée à l’École des beaux-arts de Montréal au début des années 1940. Au cours de cette période où elle pratique la peinture, elle fait la connaissance de Paul-Émile Borduas et découvre la pensée automatiste dont les idées sur l’importance de l’introspection, la confiance en ses intuitions et le rôle de l’inconscient traverseront l’ensemble de sa production jusqu’à aujourd’hui.
Se consacrant essentiellement à la chorégraphie et à la danse à partir de 1945, Sullivan sera d’ailleurs rapidement reconnue pour ses adaptations dansées des principes automatistes et sa contribution au manifeste Refus global qu’elle cosigne en 1948 est principalement une déclaration en faveur de la danse moderne intitulée « La danse et l’espoir ».
Ce travail de chorégraphie, qu’elle accomplit régulièrement avec la complicité de Jeanne Renaud, sera nourri d’études chez Franziska Boas à New York et réalisé de manière très soutenue jusqu’en 1956 – elle aura produit à l’époque jusqu’à sept nouvelles chorégraphies par année.
À partir de la fin des années 1950 jusqu’en 1970, Françoise Sullivan produit un remarquable corpus de sculptures, d’abord en métal puis en plexiglas, qui ont essentiellement pour thème des questions de mouvement, d’équilibre et de recommencement auxquelles donnent formes des jeux de cercles, de spirales et de chutes.De cette période, Chute concentrique, 1962 (MNBAQ, 1963.132) lui vaudra le 1er prix aux Concours artistiques du Québec 1963.
Au cours de la décennie 1970, l’artiste refait à nouveau un peu de danse et se consacre à différentes activités influencées par un séjour marquant en Europe auprès des Situationnistes et des artistes de l’Arte povera qui ont toutes pour but de rapprocher l’art et la vie : travail de performance avant la lettre, actions documentées, art conceptuel, installations, photographies, promenades, etc., corpus qui, par ailleurs a fait l’objet d’un développement conséquent dans la collection du MNBAQ l’an dernier.
Ses investigations tous azimuts n’auront de cesse que sa décision, au tournant des années 1980, de se consacrer uniquement à la peinture pour répondre à ses plus profondes aspirations : c’est, dit-elle, ce qu’elle aime le plus faire. De 1979 à 1993, Françoise Sullivan a ainsi produit un imposant ensemble de tableaux, grands collages faits de morceaux de toile découpée et d’objets proposant des récits inspirés de la spiritualité amérindienne, de sources mythologiques et de la psychanalyse jungienne qui sont les principaux moteurs de ce travail de peinture.
Des œuvres de cette époque, les séries Tondos (1980), Je parle… (1982-1983) et Cycle crétois (1983-1987) sont parmi les plus représentatives. En 1997, Françoise Sullivan amorce une suite de monochromes rouges et bleus qui témoignent de sa volonté de radicaliser son engagement pictural, puis une série d’Hommage, dont les toiles, souvent immenses, sont dédiés à des artistes disparus qu’elle aura affectionnés.
Sans cesse interpellée par les questions que lui posent l’art et la peinture en particulier, Françoise Sullivan travaille en ce moment à une nouvelle production en vue d’une exposition individuelle que lui consacrera le Musée des beaux-arts de Montréal à compter de l’automne prochain.
Françoise Sullivan, c’est avec la plus haute estime que le MNBAQ vous souhaite le plus heureux des anniversaires!