L'ART SOCIAL ET LA MODERNITÉ
Dans la première moitié du 20e siècle, la contestation de l’académisme des institutions, jugé rétrograde, contribue à former de nouveaux réseaux culturels, mettant à l’avant-plan de leur conception de l’art, l’expérimentation artistique et l’indépendance de la figure de l’artiste. La fin de la Grande Guerre et la circulation des tendances artistiques, par les biais des artistes de retour d’Europe ou des périodiques culturels, encouragent un discours contre les nationalismes. Revendiquant une culture plus universelle, les jeunes regroupés autour de la revue Le Nigog, par exemple, vont prendre à partie le régionalisme en vogue dans l’art québécois.
On assistera dès lors et jusqu’aux années 1930 à une diversification formelle de l’art du paysage, de même que de celui du portrait, diversification portée par de jeunes artistes soucieux de rendre compte des multiples visages de la modernité. Leurs œuvres sont empreintes d’un réalisme social témoignant de leur conception humaniste du travail de l’artiste. Pour la plupart défavorisés, ils posent un regard nouveau sur la ville et sur les classes populaires. Les paysages, les scènes urbaines et les portraits qu’ils produisent mettent en lumière une vision inédite de la ville où les représentations des rues grises, des taudis, des chômeurs – nombreux après le krach de 1929 – sont uniques dans la collection du MNBAQ.
l'ère des manifestes
Au début des années 1940, quelques expositions intégrant la production contemporaine laissent croire que les grandes institutions culturelles canadiennes reconnaissent les nouvelles tendances esthétiques, en particulier l’abstraction. Néanmoins, plusieurs artistes restent sur leur faim. Deux premiers manifestes, Prisme d’Yeux et Refus global, sont d’ailleurs publiés respectivement en février et en août 1948.
Associé à la figure d’Alfred Pellan, Prisme d’Yeux réclame la libre expression de l’artiste, le rejet des idéologies restrictives et la fin des jurys qui trient les œuvres destinées à être montrées au public, privant ce dernier de la connaissance de la peinture indépendante. Refus global, rédigé par Paul-Émile Borduas, adopte un ton plus libertaire et socialement plus engagé. Il témoigne des revendications d’un milieu multidisciplinaire, ses signataires venant aussi bien des arts visuels que de la danse, de la psychanalyse, de la littérature et de la photographie.
En 1955, le Manifeste des Plasticiens, rédigé par Rodolphe de Repentigny, affirme la primauté des faits plastiques : les formes, les couleurs, les lignes et l’unité finale de la composition doivent conduire à un résultat épuré et à une autonomie des éléments constitutifs du tableau.
LE RENOUVEAU DE L'ART RELIGIEUX
Les années 1920 et 1930 sont marquées par de nombreuses mises en chantier d’églises sur le vaste territoire québécois. Ce mouvement s’épanouit davantage avec le retour de la prospérité après la Seconde Guerre mondiale. Il s’accompagne d’une prise de conscience quant à la qualité douteuse des ornements en plâtre bon marché devenus populaires dans les églises de la province, au détriment des sculptures en bois.
On assiste alors à un véritable renouveau de l’art religieux auquel plusieurs artistes modernes prennent part, animés par la volonté d’actualiser la forme des œuvres d’art religieuses et leur message évangélique. Il en résulte une riche production de tableaux et de sculptures montrant la figure sacrée représentée sous les traits d’un ouvrier ou d’un paysan, intégrée dans un décor familier ou dans un paysage local. La modernisation esthétique valorise l’expressivité et la modestie des personnages au moyen de formes simplifiées, inspirées des mouvements artistiques contemporains.
Faites-nous part de vos commentaires