L’exposition offre un magnifique panorama, couvrant 700 ans d’histoire et de création – soit du 12e au 19e siècle –, à travers une centaine d’œuvres de la prestigieuse collection Edwin Binney 3rd du musée de San Diego.
Enluminures sacrées rarissimes, peintures mogholes inspirées de la culture persane et de ses héros, illustrations délicates de la faune et de la flore indigène viennent révéler l’étonnant empressement des artistes indiens à se plier à des goûts étrangers des plus diversifiés, et ce, sans jamais sacrifier la qualité de production de leurs œuvres et la signature indéniablement indienne de leur exécution.
La miniature indienne, en 4 temps
Afin de vous permettre de découvrir et d’apprécier cet art délicat et raffiné, l’exposition s’articule autour de 4 thèmes : Enluminures sacrées, Visions lyriques, À la découverte de la peinture moghole et À la manière de la Compagnie.
Enluminures sacrées
Ce premier thème nous permet d’apprécier les œuvres les plus anciennes réalisées, pour plusieurs d’entre elles, sur des feuilles de palmier. Les miniatures mettent en lumière des sujets se rapportant aux trois religions principales avant l’arrivée de l’Islam en Inde : le bouddhisme, le jaïnisme et l’hindouisme. Il s’agit surtout d’images de dévotion, réalisées dans le nord de l’Inde, accompagnées de textes rédigés en sanskrit.
Visions lyriques
Cette section de l’exposition se compose de miniatures illustrant deux livres extrêmement importants de la culture persane. Le premier est le Livre des rois (Shanameh) de Firdousi, un ouvrage qui retrace les principales épopées de l’Empire perse et dans lequel les héros Rostam et Isfandiar mais aussi Iskander (Alexandre le Grand) sont représentés. Le second s’intitule Les Cinq Poèmes (Khamsé), dont l'auteur, le poète Nizami, est souvent considéré comme le « recréateur » de la littérature persane.
À la découverte de la peinture moghole
Cette partie de l’exposition regroupe des miniatures réalisées sous les règnes des principaux empereurs de l’importante dynastie moghole, des conquérants originaires d’Asie centrale qui s’installèrent en Inde à compter de 1526. Suivant les traces de Humayun, son père, le deuxième empereur moghol, Akbar, favorise le développement des arts et des livres. Son fils Jahangir et son petit-fils Shah Jahan – le commanditaire du Taj Mahal – poursuivront dans cette voie. Outre plusieurs portraits de souverains représentés sur le trône de paon ou dans des scènes de la vie quotidienne, on retrouve dans cette section des miniatures indiennes réalisées à partir de modèles européens, comme certaines miniatures chrétiennes offertes en don par les jésuites aux empereurs moghols, ou encore à partir de gravures profanes d’origine hollandaise, elles aussi offertes aux princes. L’aspect narratif des images et le caractère hautement décoratif des bordures qui les encadrent attestent de l’exceptionnel savoir-faire des miniaturistes. La dynastie moghole s’éteint au milieu du 19e siècle, lorsque Muhammad Bahâdur Shah est détrôné par les Britanniques en 1858.
À la manière de la Compagnie, de 1710 à 1890
Le titre de la dernière portion de l’exposition fait référence à l’importance de la Compagnie britannique des Indes orientales, installée en Inde depuis 1600. À l’inverse des miniatures des deux sections précédentes, les planches proposées ne sont pas des images tirées de livres qui auraient été démantelés, mais plutôt des œuvres autonomes illustrant de manière très naturaliste la faune et la flore du pays.
Edwin Binney 3rd, portrait d’un collectionneur
Spécialiste des langues romanes, danseur de ballet et petit-fils de l’inventeur des crayons Crayola et de la craie non pulvérulente, Edwin Binney 3rd ne paraissait pas destiné à constituer l’une des plus belles collections au monde de miniatures du sud de l’Asie.
C’est à sa curiosité passionnée qu’il devra finalement cette remarquable distinction. Né en 1925, Edwin Binney 3rd fait des études classiques et obtient un baccalauréat ès arts, avec spécialisation en français, à l’Université Harvard. Il enchaîne avec un doctorat en langues romanes et rédige une thèse sur Théophile Gautier et le ballet. C’est aussi pendant cette période qu’il étudie le ballet avec Alicia Langford, qu’il épousera, et qu’il amorce ses activités de collectionneur.
En 1958, il décide de se concentrer sur les arts de l’Inde et de l’Islam, encore abordables à l’époque. Il en fera son principal centre d’intérêt pendant plus de vingt-cinq ans. Edwin Binney 3rd a fait une étude approfondie de la peinture indienne à une époque où le sujet intéressait peu les historiens de l’art occidentaux.
Auteur de nombreux catalogues et commissaire de plusieurs expositions aux États Unis, il était un membre actif et très apprécié du conseil d’administration du San Diego Museum of Art, auquel il légua, à sa mort survenue en 1986, sa collection de miniatures et de manuscrits indiens, considérée comme l’un des fonds les plus prestigieux au monde dans le domaine.
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